Beethoven & Brahms - Alexandre Rabinovitch-Barakovsky

BEETHOVEN – BRAHMS – ALEXANDRE RABINOVITCH-BARAKOVSKY

GALLO CD-1472

Ludwig van BEETHOVEN : 33 Variations on a Waltz by Anton Diabelli, Op. 120 – Johannes BRAHMS : Piano Sonata No. 3 in F Minor, Op. 5 (Live).

Alexandre Rabinovitch-Barakovsky, piano.

Beethoven : 33 Variations sur une valse de Diabelli, Op. 120

Il est intéressant de noter qu’à l’époque de l’éclosion du paradigme romantique (17e-20e siècles), formulé à l’origine en termes de «Seconda Pratica» par Monteverdi, le discours musical se théâtralise et le spectre des émotions exprimées s’élargit considérablement au fur et à mesure de l’évolution du nouveau langage confessionnel.

Le cycle des Variations Diabelli n’échappe pas à ce processus de théâtralisation qui, dans cette œuvre, s’intensifie à l’extrême tout au long de son déroulement.
En même temps, ces Variations se prêtent plus difficilement à l’analyse de leurs connotations que les Sonates pour piano de Beethoven; cette œuvre paraît être assez énigmatique au premier abord. A mon avis, la clef de son mystère se situe en fin des Variations, là où l’œuvre se termine par le dernier accord tonitruant de façon extravagante. Sa signification pourrait être décodée par l’expression «Commedia è finite». C’est ainsi que le compositeur tient à nous confier qu’il s’était beaucoup amusé en créant cet univers de métamorphoses du motif frivole initial.

Je suis convaincu que la bouffonnerie du menuet final n’a rien à voir avec l’atmosphère transcendante et sublimée de la fin de l’op. 111. Le parallèle qu’ Alfred Brendel essaie d’établir entre ces deux œuvres me semble déplacé dans le contexte de cette fresque grandiose, de cette farce à visage humain, de ce «spectacle du monde» de Maya hindouiste que sont ces Variations sur une Valse de Diabelli de Beethoven.

Chez Mircea Eliade, on trouve l’expression «orgiasme dionysiaque», ce qui suppose la transgression des règles et le «dépassement de la condition humaine». J’ai l’impression que cela s’accorde admirablement avec la narrative de cette œuvre, et que cette correspondance se révèle dans le punch, l’énergétique exacerbée et la vitalité de cette musique associés à l’élément masculin, à l’opposé duquel se manifeste le pôle féminin où règne la courtoisie et la douceur ambivalentes.

Cette dichotomie fondamentale se laisse remarquer et au sein des Variations elles-mêmes. En général, les Variations débutent de manière presque insignifiante, mais aussitôt subissent des transformations radicales avec la chromatisation des lignes mélodiques et des harmonies, ce qui rend ce discours suggestif et souvent frémissant.

Ce discours musical, plutôt rhapsodique, pourrait être rapproché de celui qui caractérise les dernières sonates de Beethoven (op. 101, 109 ou 110). Le moment le plus inouï de ce kaléidoscope des états d’âme multiples surgit après la variation grotesque no. 28, lorsque l’expression extravertie s’intériorise soudainement à partir de la variation no. 29 pour aboutir à la variation no. 31 – l’essence et le centre du message global du compositeur, d’une infinie compassion.

Après la fugue débridée et virulente, une nouvelle surprise de taille: une espèce de suspension musicale au-dessus de l’abîme, devant un gouffre — le moment le plus fascinant et énigmatique des Variations. Ensuite, sans aucune transition, fait son entrée ce menuet capricieux et désinvolte dont il était déjà question — la Commedia è finite.

A. Rabinovitch-Barakovsky

CHF 19.50

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