https://vdegallo.com/wp-content/uploads/2016/10/0977.jpg     

Pour qualifier d’une formule la personnalité artistique de René Gerber, l’expression classique d’ «honnête homme» paraît bien convenir. Elle évoque à la fois ses qualités intellectuelles, la diversité et la richesse d’une ample culture, la multiplicité de créations dans plusieurs domaines (musique, poésie, peinture), la pluralité de ses activités au service de l’Art, un humanisme actif. La parution récente du livre (assez inégal) qui lui est consacré René Gerber, compositeur, homme de l’Art (2020) aux éditions Attinger ranime le souvenir de cette figure intellectuelle et invite à écouter quelques enregistrements puisés dans le grand catalogue que le label Gallo consacre à ce compositeur suisse mal connu. Ses partitions sont celles d’un coloriste, ce qui n’étonnera guère si on ajoute avec humour que ce musicien est aussi un peintre fécond et un galeriste investi.

Un vers de Baudelaire pourrait servir de sésame pour entrer dans son univers sonore: Il est des parfums frais comme des chairs d’enfants, doux comme les hautbois, verts comme les prairies. Rien dans ces compositions de facile abord ne vient choquer l’oreille, mais la titillent, l’alertent tel accord, telle entrée d’instruments, tel rythme joyeux, telle délicate mélodie, ici une modulation, là un pépiement, ailleurs un roulement. Ainsi du Concert en si mineur pour grand orchestre que celui de Radio Bucarest sait parer de chatoyants effets. Ce que l’on nomme la musique française à laquelle s’est abreuvé le compositeur (Dukas, Debussy, Ravel, Poulenc) fait miroiter dans les pages ici réunies sa claire éloquence. Nulle humeur chagrine ne vient perturber leur climat serein où se marient charme et vigueur. Quelques audaces harmoniques, des irruptions de cuivres, des bois narquois, des percussions inventives constituent comme autant de jeux sonores, de sourires, de fantaisies qui illuminent le discours. Facétieux, Gerber? Certainement espiègle et refusant l’ennui.

L’École de Fontainebleau pour orchestre de chambre se plaît à convoquer en cinq tableaux Eva prima Pandora, Europe, le truculent cortège de Silène, Muses vaporeuses et une Flore épanouie, pour des Panathénées glorieuses et toniques. Laïs Corinthiaca pour formation chambriste de onze musiciens témoigne d’une lumineuse inspiration classique et de la saine sensualité liée à la célèbre courtisane grecque de l’Antiquité, chère à Démosthène. D’où sans doute la brève allusion aux Ducats (plage 13 du CD) sonnants et trébuchants. On avouera un faible pour la Marche moqueuse. La Pavane qui précède la Coda se balance avec une gravité posée, et cette touche pince sans rire qu’au fil de l’écoute on apprend à reconnaître.

Dans le second enregistrement, Catherine Aubert et Béatrice Schild-Kurth ont choisi pour honorer l’œuvre pour piano de René Gerber les Sonate I, énergique et enjouée, et II avec ses «ça ira» décidés, une Suite dansante où on songe à Debussy ou à Satie, une Valse lente de belle tenue, les cinq Danses anglaises propres à donner des fourmis aux jambes, toutes pour deux claviers. Pour piano seul on aime écouter une série de nouveaux tableaux dont l’inspiration affective, picturale, intertextuelle emprunte à des expériences ou à des émotions multiples. Ils esquissent des climats aux couleurs piquantes, aux rythmes infiniment variés dont l’interprétation restitue la nervosité racée. Le Jardin d’amour final se révèle délicatement dessiné. . . à la française.

Le livre et les deux CD n’épuisent pas, loin s’en faut, ce qu’il faut connaître et écouter de l’œuvre polymorphe de René Gerber. Ils constituent une approche stimulante de ce compositeur qui mérite une plus ample reconnaissance. Amateurs de curiosités peu risquées, ils sont faits pour vous.

Jean Jordy (revue www.utmisol.fr)

Quintessence - Dynam-Victor Fumet - Raphaël FumetAtypique et fascinante, la saga de la famille Fumet couvre un siècle de musique française avec des personnages terriblement anticonformistes et talentueux ! Cet étonnant album intitulé « Quintessence », présente un aperçu, un petit catalogue représentatif de l’art injustement oublié de Dynam-Victor Fumet et de son fils Raphaël Fumet. Il est édité chez VDE Gallo sous la direction artistique du petit-fils, l’ensorcelant flûtiste Gabriel Fumet.

La première partie de l’album est entièrement consacrée au patriarche, Dynam-Victor Fumet. Ce fils d’horloger toulousain, né en 1867, fait son apprentissage musical au Conservatoire de Toulouse. Il y obtient de nombreux prix puis entre au Conservatoire National de Paris, où il étudie la composition avec Ernest Guiraud et l’orgue avec César Franck. Pour gagner quelques sous, il dirige alors l’orchestre du cabaret Le Chat Noir, où il se lie d’amitié avec des figures de l’anarchisme et du mouvement révolutionnaire comme Kropotkine et Louise Michel. Il contribue aussi au journal anarchiste La Révolte où il est surnommé Dynam (Dynamite ?). Ses activités politiques lui valent rapidement le rejet de sa famille, la fin de sa bourse d’études de la Ville de Toulouse et peut-être l’échec au Prix de Rome, auquel il se présente en 1886. Dans ces années tumultueuses, il rencontre Erik Satie (en 1887) et lui laisse sa succession au « Chat Noir » en 1890. Les deux jeunes compositeurs s’entendent à merveille partageant un goût commun pour l’occultisme, l’alchimie et les idées anarchistes, mais Dynam côtoie aussi d’autres artistes et écrivains comme Paul Verlaine, Léon Bloy et Emile Gaboriau (le père du roman policier)

Admiré pour ses brillantes improvisations à l’orgue et au piano, César Franck l’engage comme assistant à Sainte-Clotilde de Paris. Puis après un long voyage en Amérique du Sud où il est chef d’orchestre, il se marie, devient maître de chapelle au collège des jésuites de Juilly et de 1928 jusqu’à sa mort, sera titulaire de l’orgue et chef de choeur de l’église Sainte-Anne-de-la-Butte-aux-Cailles à Paris.

« Pour mériter la vie, il faut savoir mourir »

On découvre son Sabbat Rustique sous la baguette du chef russe Mikhail Golikov avec l’Orchestre du Palais de Tauride de Saint-Pétersbourg. Ce diptyque orchestral enregistré en concert lors de sa création en 2010, est d’une inspiration foisonnante. Il s’ouvre sur une atmosphère sombre et lyrique d’un Lento Moderato, suivi d’un Molto allegro con brio d’une énergie folle. C’est un souffle d’imagination libre et débridé, sans aucun temps mort ni ornementation de trop ; on est ébloui.

« Pour mériter la vie, il faut savoir mourir ». C’est sur cette phrase qui laisse bien pensif, que se termine le poème mis en musique par Dynam-Victor Fumet, intitulé Automne. Deuxième titre de l’album, il s’agit d’une oeuvre vocale de 1930, clin d’oeil aux Quatre Saisons de Vivaldi, d’une écriture remarquable, intemporelle. Elle est interprétée par le Choeur des Nouvelles voix de Saint-Pétersbourg avec des timbres riches et une grande dignité. La diction est absolument inintelligible mais l’ensemble n’en demeure pas moins d’une grande beauté musicale.

Le voyage dans l’oeuvre de Dynam-Victor Fumet continue avec une pièce pour piano, Le rouet de la Vierge, d’une grande vélocité empreinte de douceur rendue avec une élégance cristalline par l’articulation d’Akiko Ebi. Puis pour finir, une pièce pour orgue, Les Chariots d’Israël, composée en 1917, est ici interprétée magnifiquement par Jean-Paul Imbert aux Grandes orgues de Saint-Eustache.

On est vraiment libre que dans la solitude

La deuxième partie du disque aborde de la même manière, différents aspects de l’oeuvre de Raphaël Fumet : quatuors, pièces pour flûte et orgue, orgue seul ou tout simplement piano…. ces pièces courtes ou extraits d’oeuvres plus longues aiguiseront la curiosité d’un certain nombre d’auditeurs.

Raphaël Fumet (1898-1979), qui est donc le fils de Dynam-Victor, frère de l’écrivain Stanislas Fumet et père de Gabriel Fumet, manifeste très jeune des dons exceptionnels de pianiste et d’improvisateur. Après un court passage au Conservatoire National Supérieur de Paris il étudie la composition auprès de Vincent d’Indy à la Schola Cantorum. Mais indifférent aux débats esthétiques de son temps, d’un tempérament profondément indépendant, il préfère s’éloigner de la capitale et tracer sa propre voie artistique. Il devient maître de chapelle du célèbre collège de Juilly et au Conservatoire d’Angers où il enseigne l’harmonie et le piano, tout en tenant l’orgue de l’église Saint-Joseph à Angers. Il laisse un grand nombre d’oeuvres d’une liberté anticonformiste et en quête perpétuelle de beauté musicale.

Si l’album a un côté un peu disparate, il permet un tour d’horizon de l’oeuvre importante et variée des Fumet père et fils, qui fera le bonheur de nouvelles générations d’interprètes friands de curiosités et de qualité musicale, et pour l’auditeur, quelle fabuleuse découverte !

Le mot du directeur artistique : Gabriel Fumet

« Si les temps que nous vivons semblent être ceux de la totale liberté d’expression artistique, certains seront probablement étonnés qu’une musique d’une qualité aussi impressionnante ait été le plus souvent écartée des circuits de diffusion. Il est vrai qu’il s’agit d’une musique tonale, difficilement classable dans l’évolution historique de la musique contemporaine, mais tellement riche ! »

Flore Védry-Roussef (revue classicagenda.fr)

VDE-GALLO
Résumé de la politique de confidentialité

Ce site utilise des cookies afin que nous puissions vous fournir la meilleure expérience utilisateur possible. Les informations sur les cookies sont stockées dans votre navigateur et remplissent des fonctions telles que vous reconnaître lorsque vous revenez sur notre site Web et aider notre équipe à comprendre les sections du site que vous trouvez les plus intéressantes et utiles.