Joseph Lauber (1864-1952)
Fils de Joseph Lauber (1832-1895), tailleur, et d’Anna Rast (1837-1928), pâtissière, Anton-Joseph Lauber est né le 27 décembre 1864 dans une ferme au lieudit « Houete » de la commune de Ruswil dans le canton de Lucerne, où naît le frère de Joseph, Emile, le 6 novembre 1866. En date du 11 octobre 1889, le prénom de Joseph a été ajouté à celui d’ Anton. Le compositeur se nommera par la suite Joseph Lauber et signera ses manuscrits de ce nom. La famille Lauber est originaire de Roggliswil dans le canton de Lucerne. Elle y est déjà mentionnée avant 1800 comme famille bourgeoise de confession protestante.
En septembre 1869, après l’incendie de leur maison, les parents du futur musicien sont forcés de déménager à Lucerne On sait qu’ils quittent ce lieu pour une destination inconnue le 24 avril 1870. En 1871 c’est à Fleurier (NE) qu’on les retrouve, où le père dirige la « Musique militaire du Val-de-Travers ». En 1874 la famille Lauber s’établit à Neuchâtel. Cette ville sera la dernière étape des parents du musicien. Le père Lauber y possède un petit orchestre de brasserie, dans lequel Joseph Lauber fait ses premières armes au piano.
Grâce au mécène Carl Russ-Suchard, gendre du fondateur de la fabrique de chocolat de Serrières, Joseph Lauber entre au Conservatoire de Zurich où il étudie, de 1881 à 1883, le chant, l’harmonie, la composition, l’histoire de la musique, l’orgue avec Gustav Weber et également le piano avec Fritz Blumer puis avec Robert Freund. Il travaille aussi la direction, la musique chorale et la musique instrumentale avec le directeur et chef d’orchestre Friedrich Hegar dont il est un des élèves préférés. Hegar lui donne souvent l’occasion de diriger l’Orchestre de la Tonhalle à Zurich. C’est lui qui le présente à son ami Johannes Brahms, venu dans cette ville le 6 décembre 1881 pour la création à la Tonhalle de Nänie pour chœur et orchestre et présenter son Concerto de piano en si bémol majeur. Cette rencontre laisse de profondes traces chez Lauber, qui par la suite n’a qu’un seul désir, de pouvoir connaître Munich, à l’époque la grande ville influente en matière de musique.
Début 1884, Joseph Lauber part dans la métropole pour y parfaire sa formation d’organiste avec le célèbre Joseph Rheinberger, qui lui enseigne également la composition. Il gagne son premier argent de poche en s’engageant comme répétiteur au théâtre de cette ville. De retour en Suisse en 1886, Joseph Lauber est organiste à Serrières et titulaire de l’orgue du « Temple français » du Locle dans le canton de Neuchâtel. Durant cette période Lauber donne des leçons privées de piano et dirige également l’orchestre d’amateurs « Sainte Cécile ». Mais ce milieu culturel étriqué et peu stimulant ne convient pas au jeune compositeur. C’est de nouveau grâce à la générosité de la famille Suchard qu’il réussit à fuir la province. Et c’est en 1892 qu’il se rend à Paris pour se perfectionner au Conservatoire auprès du pianiste Louis Diémer, ancien élève d’Ambroise Thomas. Il y suit aussi les cours de composition de Jules Massenet et fait la connaissance de Gustave Doret, lui aussi élève de Massenet.
Le 18 juin 1894, il épouse la cantatrice Julia Zéline Adam à Aarau. Un fils, Edmond et une fille, Alice, naquirent de ce mariage. La jeune famille prend domicile à Zurich où Joseph Lauber est nommé professeur d’une classe de virtuosité de piano au conservatoire durant les années 1899-1901. Fin 1899, Lauber participe aux côtés d’autres Suisses romands comme Gustave Doret ou Otto Barblan à la fondation de l’Association des musiciens suisses (AMS). Beaucoup de ses œuvres seront jouées par la suite lors des fêtes de cette association.
C’est en mai 1901 que la famille quitte Zurich pour s’installer définitivement à Genève. Joseph Lauber a été nommé chef d’orchestre du Grand Théâtre et dès lors, il enseignera au Conservatoire jusqu’à la fin de sa vie. Son activité professionnelle sera uniquement consacrée à cette institution où il a laissé le souvenir d’un Maître quelque peu nostalgique du passé musical de Munich et de Leipzig, mais aussi sensible à Georges Bizet, à Claude Debussy et Gustave Charpentier.
Des classes de piano dès 1901, d’orchestration dès 1902 et d’improvisation dès 1910, lui furent confiées de même qu’une classe de composition libre à partir de 1927. Mais, sans que l’on sache exactement pourquoi, il cesse son activité de chef lyrique deux ans plus tard pour se consacrer à l’enseignement et à la composition.
D’illustres musiciens comme Frank Martin, Henri Gagnebin, Richard Flury, André François Marescotti, Emil Frey, Rudolf Moser et Bernard Reichel suivent ses cours. Frank Martin, qui pendant six ans a fréquenté les cours de composition de Joseph Lauber, lui a dédié sa 1ère sonate pour violon et piano, dont la dédicace prouve l’admiration profonde du futur compositeur phare de la Suisse pour son maître. Il déclarera plus tard : « Avec Lauber, j’ai appris l’essentiel ».
Frank Martin a dédié sa 1ère sonate pour violon à son estimé professeur, que Lauber a présenté en première au Festival des musiciens suisses de Thoune le 10 juillet 1915 avec la violoniste Maggy Breitmeyer.
Le 4 mars 1939 son épouse Julia-Zéline Adam meurt. Elle était cantatrice à ses heures et dédicataire des 8 Lenzesklänge pour chant et piano et de son Requiem Ad Gloriam Dei.
En 1941, l’université de Neuchâtel décerne à Joseph Lauber le titre de doctor honoris causa et à l’occasion de sa 50e année d’activité d’enseignement, le conservatoire de Genève fête son « Grand Maître estimé » par de multiples festivités. Lauber meurt à Genève en 1952 à l’âge de 88 ans. Il laisse un catalogue de plus de 320 œuvres musicales, toutes restées fidèles à la tradition tonale et parfois à la modalité.
Parmi les dédicataires qui pourront retenir l’attention des historiens de la musique suisse figurent « Les solistes de la Philharmonie de Berlin », le violoniste Henri Marteau, ancien élève de Joseph Joachim, Friedrich Hegar de Zurich, Hans Huber de Bâle et Carl Munzinger de Berne.