César Franck: Piano Quintet in F Minor, FWV 7 – Violin Sonata in A Major, FWV 8 – Philippe Entremont – Dan Zhu – Aron Quartett
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César FRANCK: Piano Quintet in F Minor, FWV 7: I. Molto moderato quasi lento – Allegro – II. Lento con molto sentimento – III. Allegro non troppo ma con fuoco – Violin Sonata in A Major, FWV 8: I. Allegro ben moderato – II. Allegro – III. Recitativo – Fantasia. Ben moderato – IV. Allegretto poco mosso.
Philippe Entremont, piano – Dan Zhu, violon – Aron Quartett
Les voies nouvelles de la musique de chambre à la française.
Durant les dix dernières années de sa vie, Franck porta à son acmé le principe de la forme cyclique qu’il avait suscité. Cercle parfait d’une construction qui ne laisse aucun thème sur le bord du chemin mais les inclus tous dans une seule ligne, laquelle prétend à un peu d’éternité. Mais Franck n’avait pas trouvé ex abrupto l’idée du cycle. Organiste de formation, la fréquentation de Bach lui avait ouvert la voie de ce principe qu’il allait en quelque sorte rationaliser.
Le grand Quintette pour piano et cordes, qu’il acheva en 1880, est le parent direct du monumental oratorio, Les Béatitudes, qui l’occupa quatre années durant. de 1875 à 1879. Fait d’importance. Franck y compose à nouveau pour le piano après une parenthèse de quarante ans. l’instrument qui lui est le plus cher et dont il fut un virtuose considérable comme le signale Marmontel. L’un des titres de gloire du Quintette est bien d’avoir ramené Franck au piano : le chemin était, dès lors, tout tracé pour la sonate déguisée que sera Prélude Choral et Fugue. Franck resserre le matériau thématique et donne aux trois mouvements un motif commun. Le second sujet, quasi féminin et pourtant ardent, énoncé par le violon dans la tonalité de la bémol majeur, qui réapparait dans la section intermédiaire du second mouvement (ré bémol), puis introduit la coda du Finale. On est plus près, de fait, d’une idée obsessionnelle – comme dans la Symphonie Fantastique de Berlioz – que du leitmotiv wagnérien. Mais Franck unifie également l’œuvre au delà de ce thème, devise qui s’autocite en rapprochant entre les mouvements quantités de motifs secondaires qui évoluent tonalement, au point que l’on se trouve pris dans une tapisserie de sons aux couleurs à peine déviantes. La création donnée par le Quatuor Marsick et Saint-Saëns pour la Société Nationale à Paris le 17 janvier 1880 fut un franc succès et l’occasion d’une vexation supplémentaire pour Franck, qui n’était plus à cela près. Enthousiasmé par la prestation de Saint-Saëns, Franck lui offrit l’œuvre en dédicace. Pour toute réponse, Saint-Saëns grimaça et tourna les talons. Il payait par cet affront public l’effet d’une brouille entre son disciple majeur, Vincent d’Indy, qui avait voulu programmer des œuvres de Wagner lors d’un concert de la Société Nationale et Saint-Saëns qui avait refusé tout net.
Des années auparavant. lorsque Cosima Wagner avait apprécié certaines de ses mélodies, Franck lui avait promis de lui dédier une sonate pour violon, promesse aussitôt oubliée. Mais, l’idée même d’une sonate pour archet devait se concrétiser grâce à Eugène Ysaye, que Vieuxtemps présentera à Franck lors du premier séjour parisien du virtuose belge, en 1876. Franck fut subjugué par la virtuosité et, peut-être plus encore, par le charisme de l’homme. Mais, ce fut un concert donné en 1884 chez Colonne qui lança Franck dans le projet de la Sonate. Le talent d’Ysaye s’y métamophosait à vue d’œil, l’artiste se défaisait des paillettes du virtuose, le musicien s’imposait par delà le violoniste. Une composition chambriste était donc possible. Du reste, un mouvement général favorable à la musique de chambre, s’amorçait enfin parmi les compositeurs français : Saint-Saëns lui même, qui avait pourtant fait briller le violon dans tous ses charmes avec ses concertos, donnait le 3 avril 1886 une première Sonate pour violon et piano créée par un autre virtuose belge, Martin Marsick. Franck prit la mouche et durant l’été suivant, de sa villégiature de Combs-la-Ville-Quincy, écrivit avec une rapidité surprenante sa fameuse Sonate qui allait inspirer toute une théorie d’œuvres sœurs: Lekeu, Vierne, Lazzari, Ropartz, Samazeuil composeront des Sonates «d’après» celle de Franck. Trois semaines pour un chef d’œuvre qui ne sera pas même retouché, sinon pour une indication de tempo. Lors de la première audition donnée le 16 décembre 1886 au cercle artistique et littéraire de Bruxelles. les lumières s’éteignirent et Ysaye joua le mouvement initial de mémoire, mais dans un tempo bien plus allant que celui noté par le compositeur. Franck fut charmé par cet archet alerte, nota allegretto sur la partition. Avec son tact habituel. Franck offrit la Sonate à Ysaye en cadeau de mariage. Le virtuose la reçut le jour de ses noces à Arlon, sur la frontière belgo-luxembourgeoise le 28 septembre 1886: cadeau d’un compositeur liégeois à un violoniste liégeois. On a beaucoup glosé sur la structure cyclique de la Sonate. Son système en inspirera bien d’autres. Mais, on oublie de souligner que Franck la composa d’abord, comme une sonate de piano avec accompagnement de violon, un peu à la mode des anciennes sonates françaises de l’ère baroque. De fait, toute la partie de piano fut composée d’un trait, de la même encre, et il semble bien que Franck n’ait posé que dans un second temps. la ligne du violon. Cela s’entend du reste dans le style très récitatif du soliste, émancipé du piano, jouant en quelque sorte à côté de lui. Il n’en fallait pas moins pour rendre justice à l’archet diseur d’Ysaye.
Jean-Charles Hoffelé
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