Beethoven: Piano Sonatas – Aldo Ciccolini – Trudelies Leonhardt
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CD1:
Ludwig van BEETHOVEN: Piano Sonata No. 8 in C Minor « Pathétique » – Piano Sonata No. 14 in C-Sharp Minor, Op. 27, No. 2 « Moonlight » – Piano Sonata No. 23 in F Minor, Op. 57 « Appassionata » – Bagatelle No. 25 in A Minor, WoO 59 « Für Elise »*
CD2:
Ludwig van BEETHOVEN: Piano Sonata No. 29 in B-Flat Major, Op. 106 « Hammerklavier » – Piano Sonata No. 17 in D Minor, Op. 31, No. 2 « The Tempest »
Aldo Ciccolini, piano – Trudelies Leonhardt, piano*
Nouveau(x) clavier(s)
On ne le souligne jamais assez, les grands compositeurs sont les vecteurs principaux de l’évolution de l’instrumentarium. Liszt et Schumann produisirent en quelque sorte le double échappement et avant eux Beethoven poussa les pianofortes de son temps jusqu’aux dimensions, puissance sonore et étendue du clavier, de nos pianos modernes. C’est qu’à ses yeux le piano était le laboratoire de sa pensée musicale. Tout d’abord Beethoven était un pianiste faramineux, un virtuose atypique en ce qu’il excédait largement par son jeu les capacités naturelles de l’instrument, aussi loin que les ait déjà portées Clémenti. Ses contemporains relatent à quel point son piano sonnait comme un orchestre et convoquait un jeu de couleurs inhabituelles. De plus Beethoven préférait donner libre cours à ses talents d’improvisateur, une pratique bien ancrée chez les grands compositeurs depuis l’âge d’or des organistes — il suffit d’évoquer Buxtehude ou Bach — qu’il allait transposer par une translation sans équivoque dans ses œuvres composées. Les bagatelles, les pièces brèves dont la célébrissime «Lettre à Élise» sont les récipiendaires naturels de cette pratique, mais les Sonates n’y échappent guère. Le propos narratif de la Huitième Sonate trouve, malgré sa Coupe tripartite classique, son sens réel lorsqu’on la joue quasi improvisée.
Éditée à l’automne 1799 chez Erder sous le titre de «Grande Sonate pathétique pour le clavecin ou le pianoforte» – on notera que l’adjectif devenu synonyme de la Sonate n’est pas de Beethoven — et dont on ne peut imaginer un instant l’exécution sur un clavecin, elle procède par de constantes métamorphoses qui indiquent bien la liberté de son organisation structurelle. On pourrait en dire autant de la 14e Sonate, publiée chez Capi à Vienne en 1802, une année après que Beethoven l’ait achevée. Le compositeur indique clairement « quasi una fantasia » et Rallstab l’affubla de cet « épithétique » « clair de lune » qui met une image trop précise sur le premier mouvement plus proche d’une marche funèbre intime que d’une nuit de pleine lune.
Le caractère de fantaisie éclate dans la 17e Sonate, éditée en 1803 à Zurich chez Naegeli en compagnie de la précédente (dont elle partage le numéro d’opus sans pour autant constituer un diptyque) ; des éléments atmosphériques y sont quasiment décrits dans le jeu pianistique. Beethoven avait indiqué une source littéraire à ceux qui voulaient pénétrer plus avant le sens de cette partition aux suspensions tonales énigmatiques : «lisez la Tempête de Shakespeare». À ceux qui lui demanderont d’éclaircir le propos de la 23e Sonate «Appassionata» contemporaine de la Symphonie Héroïque, mais esquissée en 1804, il fera la même réponse. Elle sera publiée à Vienne en 1807 par le Comptoir des Arts et de l’Industrie et dédiée au Comte de Brunswick. Beethoven la considérait alors comme son œuvre pianistique la plus achevée. Son ton prométhéen, la puissance torrentielle de son geste en font autant un portrait psychologique de l’auteur qu’une profession de foi pour la musique du futur.
L’Appassionata est marquée au fer rouge d’une invention harmonique simplement inouïe. Dans la 29e Sonate écrite entre 1817 et 1819, Beethoven largue les amarres. L’œuvre atteint aux dimensions d’une grande symphonie, ses divagations harmoniques, l’abondance de figures de styles détournées de leurs fonctions initiales, la perte des repères tonals, le mépris de la mélodie au profit d’une harmonie chromatique visionnaire, l’étendue imaginaire d’un clavier à venir, la formidable prospective formelle, tous sont redevables à l’art libéré de toute contrainte d’un incurable improvisateur qui ici écrit le futur d’un instrument et de sa littérature.
Jean-Charles Hoffelé Afficher la suite Aldo Ciccolini A quatre-vingts ans, Aldo Ciccolini est l’un des rares grands maîtres du piano à courir inlassablement les routes de la carrière mondiale, fidèle en cela à l’allure d’une vie placée sous le signe du mouvement. Le succès foudroyant que la France lui réserve libère sa passion pour la musique française, dont il devient le plus ardent défenseur à travers le monde. L’année 1990 a fêté la publication de sa nouvelle version des Harmonies Poétiques et Religieuses de Liszt, compositeur de prédilection, comme lui virtuose éblouissant et prophète des profondeurs. En 1992 paraissent tour à tour l’Intégrale Debussy, puis celle des sonates de Beethoven. Ses enregistrements dédiés respectivement à Janacek et Schumann en 2002 et à Chopin (Nocturnes) en 2003 sont couronnés par le Diapason d’Or. Celui consacré à l’Intégrale des Pièces Lyriques de Grieg s’est vu décerner le « Choc de l’année 2005 » du Monde de la Musique. Officier de la Légion d’Honneur, Officier de l’Ordre National du Mérite, Commandeur des Arts et Lettres, titulaire de nombreuses distinctions (Prix Edison, Prix de l’Académie Charles Cros, de la National Academy des États-Unis ainsi que du Disque Français), Aldo Ciccolini a choisi en signe de reconnaissance d’adopter la nationalité française en 1971. Il accepte, l’année suivante, la charge de professeur au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris, découvrant ainsi une vocation de pédagogue à laquelle il n’a jamais renoncé puisqu’il donne encore de nombreuses « Master class » en Italie. Ennemi de toute concession aux goûts du jour, insensible aux jeux de la médiatisation, Aldo Ciccolini envisage l’art musical comme un sacerdoce nécessaire au plaisir des auditeurs. L’originalité souvent visionnaire de son répertoire, l’alchimie de ses plus intimes recherches l’ont retenu longtemps de dévoiler son interprétation des plus grands compositeurs. Depuis plusieurs années, il se livre enfin au public et se révèle maintenant comme l’un des plus puissants messagers du génie de la Musique. Masquer la suite
Originaire de Parme et de Sardaigne, c’est à Naples qu’il voit le jour et qu’il parfait ses études musicales. Il hérite, par professeur interposé, des enseignements de Ferruccio Busoni et Franz Liszt. Sa carrière d’enfant prodige n’entrave pas longtemps une exigence qui le mène à Paris pour gagner le concours Marguerite Long – Jacques Thibaud en 1949.
Aldo Ciccolini a contribué à faire connaître des œuvres mal connues (Déodat de Séverac, Massenet, Chabrier) ou injustement délaissées (Sonates de Schubert, de Scarlatti, Années de Pèlerinage de Liszt et des compositeurs espagnols). Il a également enregistré l’ensemble des sonates de Mozart.
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