Nadia Boulanger – René Gerber – Bernard Schulé: Œuvres pour instruments et orgue
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Nadia BOULANGER: Trois pièces pour orgue: I. Prélude – II. Petit Canon – III. Improvisation – Pièce sur des airs populaires flamands – René GERBER: Epithalame pour flûte et orgue – Le Tombeau de Grigny: I. Sarabande – II. Comptine – III. Berceuse – IV. Ronde – Fête pour 2 trompettes, 2 trombones et orgue – Pavane pour 3 trompettes et orgue – Triptyque pour orgue: I. Pastorale – II. Musette sur le nom de BACH – III. Fête – Bernard SCHULÉ: Métamorphoses sur un Air ancien, Op. 51.
Anaïs Drago, violon.
Alisa Gremmo, flûte.
Giovanni Panzeca, orgue.
Riccardo Ceretta, Mattia Gallo, Mauro Pavese, Diego Di Mario, cuivres.
Enregistrements et œuvres de René Gerber pour cuivres et orgue.
Il est difficile pour moi d’être objectif s’agissant de la musique de notre compositeur neuchâtelois, René Gerber. Durant toute sa carrière, il n’a jamais « su se vendre », restant dans une discrétion absolue. Il me considérait comme « son fils spirituel » et, à ce titre, peut-être pas mérité, je l’ai accompagné jusqu’à sa mort avec des visites quasi hebdomadaires. Je suis convaincu que sa musique est d’une très grande qualité, digne de l’enseignement reçu à l’École Normale de Musique de Paris.
René Gerber a écrit bien des œuvres pour moi, qui ont été jouées en Suisse et en France. J’ai aussi participé à des enregistrements, réunis sur un CD souvenir. Certes méconnue, la musique de René Gerber pour cuivres et orgue a été publiée par l’éditeur suisse Pizzicato à Horgen. Elle vient d’être reprise par Lausanne-Musique, à l’adresse de Disques VDE-GALLO. Ce projet tend à la mettre mieux encore en valeur.
Nous avons donc souhaité la faire mieux connaître en publiant ce CD avec des artistes italiens qui se sont attachés à sa musique. Pour compléter cette production, nous avons ajouté des œuvres pour orgue de Nadia Boulanger, qui était son professeur de composition à l’École Normale de Musique de Paris. Gerber avait un très grand respect pour « Mademoiselle », comme on l’appelait dans le milieu musical parisien de cette époque.
Claude Delley,
Directeur artistique de la Fondation René Gerber
Les œuvres
Nadia Boulanger, figure marquante de la scène musicale française du XXe siècle, a laissé pour orgue les quatre pièces enregistrées sur ce CD. Les trois premiers morceaux (Prélude, Petit Canon, Improvisation), de 1911, écrits à l’origine pour harmonium, sont publiés pour la première fois dans la collection « Maîtres contemporains de l’orgue de l’Abbé Joubert » (vol. 1), Paris, Sénart, 1912.
Le Prélude, en fa mineur, consiste en un thème calme sous la forme d’une mélodie accompagnée en tonalité, puis présentée à nouveau à la quinte supérieure, développée et reformulée en do dièse mineur sur une pédale dominante. Un pont modulant permet de réentendre le thème dans la tonalité initiale, sous une forme solennelle sur la dernière page, soutenu par un accompagnement harmonique dense avant de conclure en fa majeur.
La deuxième composition, une courte pièce d’une page en la mineur, est présentée sous la forme traditionnelle d’un canon avec une octave entre les parties.
L’Improvisation, en mi bémol mineur, est une pièce à la structure plus libre : le thème est exposé par le son intime et légèrement perçant du hautbois, tandis que l’accompagnement en forme de carillon est confié à la rondeur du bourdon. S’ensuit un développement teinté de chromatisme avant de revenir cycliquement à la première partie en guise de conclusion.
La Pièce sur des airs populaires flamands propose une mélodie sous la forme traditionnelle du thème et variations, mettant en valeur la riche palette de timbres de l’orgue Tamburini.
Les tombeaux étaient, dans la tradition musicale du XVIIIe siècle, des recueils instrumentaux composés pour honorer des musiciens ou des personnages célèbres. Le Tombeau de Nicolas Grigny est probablement un hommage de René Gerber à Nicolas de Grigny, grand maître du clavecin et de l’orgue baroque français. Il se compose d’une suite divisée en quatre mouvements : deux lents (Sarabande et Berceuse) et deux allegros (Comptine et Ronde).
Fête, écrite pour un ensemble de deux trompettes, deux trombones et orgue, devait être interprétée lors d’une messe télévisée à la Basilique Notre-Dame de Neuchâtel. Malheureusement, ayant été préparée trop tard par les interprètes et encore manuscrite, René Gerber a décidé de retirer son œuvre.
La Pavane, composition pour trois trompettes et orgue, est dédiée au mariage d’une certaine Danielle (dont l’identité n’a pas été retracée), probablement une amie du compositeur. D’un caractère solennel, la mélodie principale passe rapidement d’une voix de cuivres à une autre, avant de laisser place à un épisode plus lyrique et intimiste dans la section centrale, répété avec un refrain. Pour finir, elle reprend son caractère initial.
Le Triptyque pour orgue seul a été composé en 1943 et est dédié à Henri Gagnebin, compositeur, organiste et directeur du Conservatoire de Genève. Le premier mouvement est une Pastorale, dont le thème en mi majeur est exposé plusieurs fois sous différentes harmonisations, au clavier et à la pédale, même en augmentation. Suit une Musette sur le nom de Bach, où le fragment bien connu « si-bémol-la-do-si » est traité comme le cantus firmus sur lequel toute la courte composition est élaborée. Fête, le troisième mouvement qui conclut le triptyque, est écrit dans le style tripartite de la toccata française. Le thème, initialement confié à la voix puissante de la pédale, est retravaillé dans d’autres tonalités et se termine par une réaffirmation solennelle à l’apothéose finale.
Les Métamorphoses sur un Air ancien op. 51 du compositeur genevois Bernard Schulé concluent l’enregistrement et marquent le passage d’un langage symphonique de la fin du XIXe siècle aux avant-gardes et expérimentations des auteurs du début du XXe siècle. Le thème proposé dans les premières mesures rappelle le début de la mélodie du Psaume 22 de Goudimel, faisant probablement référence à une autre mélodie populaire ancienne connue à la Renaissance. Les Métamorphoses sont présentées comme un thème varié, où chaque variation s’enchaîne dans un discours musical plus large. La structure générale de la pièce rappelle celle des Trois Chorals de César Franck, un jalon de la littérature française pour orgue du XIXe siècle, auquel Schulé fait certainement référence, bien que le langage et la sensibilité aient profondément changé.
Giovanni Panzeca
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